1.1.08

Nick Tosches, à propos de l’interdit de fumer


“Lorsque, au cours du printemps de 1939, Hitler a interdit de fumer dans l'Allemagne nazie, ce fut une "mauvaise" chose. Lorsque, au cours du printemps de 2003, soit quasiment soixante-quatre ans plus tard jour pour jour, le regretté grand maire de New York a interdit de fumer dans "sa" ville, ce fut une "bonne" chose. C'est que Hitler était "mauvais", et que le maire, n'étant pas Hitler, était "bon". Et c'est aussi parce que le groupe de scientifiques ayant étayé l'interdiction lancée par Hitler, l'Institute for Tobacco Hazards Research (Das Wissenschaftliches Institut zur Erforschung der Tabakgefarhen), était "mauvais", et que les scientifiques ayant étayé l'interdiction lancée par le maire de New York (à savoir l'Organisation Mondiale de la Santé, fer de lance du mouvement antitabac d'après-guerre) étaient "bons". Ce fut l'OMS qui, en 1955, nous mit ainsi en garde: "Sous l'influence du cannabis, le danger de commettre un meurtre non prémédité est très grand; celui-ci peut être perpétré de sang-froid, sans la moindre raison, de manière inattendue, précédé d'aucune querelle; souvent le meurtrier ne connaît même pas la victime, et il tue pour le simple plaisir de tuer." L'OMS doit avoir raison, même si les résultats de ses études menées dix ans durant sur les effets de ce qu'elle appelait ETS (Environmental Tobacco Smoke), résultats dont on ne fit guère étalage, ont échoué à établir un quelconque rapport entre le tabagisme passif (ou "secondaire", j'y reviendrai) et certaines maladies. Il n'y avait probablement aucune preuve non plus de la relation de cause à effet entre le fait de fumer de la marijuana et l'homicide, mais on ne saurait pour autant se hasarder à parler là de mythe. Sans compter que l'OMS mettait toujours la main à son portefeuille des Nations Unies et montrait à chacun toutes ces tristes photos d'enfants faméliques. Les photos tristes d'enfants faméliques sont "bonnes". Nous devrions leur donner à tous des photos de steak à manger. Mais même alors, il nous faudra veiller à ce que leur santé soit protégée des dangers de l'exposition au tabagisme tertiaire, chose qui peut se produire quand on se trouve à proximité d'une personne ayant été exposée au tabagisme passif ou secondaire. Allons plus loin encore en déclarant que le risque d'homicide arbitraire commis par quelque fumeur de marijuana ne doit aucunement être écarté. Si nous protégeons les enfants faméliques de toutes ces choses, cela ne nous coûtera jamais que quelques centimes par semaine, et nous serons "bons". Ou alors, au lieu de photos, nous pourrions leur donner à manger des barres énergétiques, malgré l'augmentation de notre dépense de plusieurs centimes. Les barres énergétiques sont "bonnes" car elles sont nourrissantes, bien plus que des photos de steak. Leur ingrédient principal est le sirop de fructose. Le sirop de fructose est "bon", car nous devons manger autant de sucre que possible. Résumons-nous: fumer est "mauvais", sucrer est "bon". Et puis ceci: les barres énergétiques ont été inventées par un chic type, qui était marié à une nutritionniste; et lui ne fumait pas, et elle ne lui soufflait pas de la fumée secondaire au visage, ni n'avait pour habitude de s'envoyer un sachet d'herbe avant de vouloir le démembrer. Ils étaient "bons". Et il s'est enrichi en vendant du sucre aux gens, ce qui est "bon". Mais maintenant il est mort, ce qui est "mauvais". Il n'avait que 51 ans quand il a cassé sa pipe, ce qui, pour le coup, est "mauvais-mauvais". Je connais des toxicos ayant dépassé de loin cet âge. Peut-être ne prenait-il pas assez de barres énergétiques. À moins qu'à un moment lointain de sa vie il se soit trouvé dans une pièce où il y avait un cendrier.”
(in “La veuve de l'inventeur de la barre énergétique,”
Le Purple Journal, n°2, automne 2004)